L\'Echo du Bénin

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A propos de la visite de Nicols Sarkosy

Lettre ouverte de Olympe Bhêly-Quenum à Nicolas Sarkosy

lundi 22 mai 2006.
 
Olympe Bhely Quenum
Olympe Bhely Quenum
Revenir à soi, ce n'est pas s'installer chez soi, fût-on dépouillé de tous acquis ; c'est, comme un étranger, être pourchassé jusqu'à chez soi, contesté dans son identité et dans sa pauvreté même.

Emmanuel Levinas
Entre-nous. Essais sur le penser-à-l'autre.

Monsieur Nicolas SARKOZY, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, président de l'UMP effectuera un voyage au Bénin ; à quel titre ? ministre d'Etat ? président d'un parti politique ? touriste ?

S'il y est en tant que touriste, il n'y aura aucune différence entre lui et les autres touristes ; président d'un parti politique français, il y sera accueilli par les militants de ce parti présents sur le sol béninois, qu'ils soient Africains ou Blancs : le Bénin est un pays d'accueil, de courtoisie et de gentillesse ; les tout premiers Blancs débarqués sur la terre de nos ancêtres les Nègres étaient Portugais et une foultitude de leurs descendants y vivent de générations en générations depuis des siècles. Ce n'est pas au Bénin qu'on ferait une dichotomie entre les citoyens béninois en montrant du doigt une catégorie spécifique.

Je souhaite que monsieur Nicolas Sarkozy, s'il venait au Bénin en tant que ministre d'Etat représentant de la France, qu'il y soit reçu avec la courtoisie et la gentillesse qui, avec la béninoiserie, sont des idiosyncrasies de notre peuple ; sans plus : pas de danses traditionnelles, ni liesse populaire, etc.

Il y va de la fierté et de la dignité de notre peuple de ne jamais s'incliner devant quelqu'un, ni de se réjouir en l'accueillant, après qu'il a eu péroré par deux fois : « Il y a plus de médecins béninois exerçant en France qu'au Bénin ».

On ne sait pas si monsieur Sarkozy rentrait d'un voyage en Afrique où il aurait subi une agression de mouches tsé-tsé, quand il a eu l'idée géniale de pointer son index vers la catégorie de citoyens français que sont en France les médecins béninois ; le Dahomey, devenu Bénin, était une colonie française ; si le droit d'aînesse existait dans la nationalité française, il serait opportun de souligner que nombre des médecins béninois exerçant en France sont Français avant monsieur Sarkozy. Voilà une réalité qu'on ne devrait pas oublier, mais foin d'une telle réalité quand le mépris et la xénophobie sont en action dans le tréfonds de ceux qui, à pas feutrés, avancent vers la xénophobie, l'exclusion et un racisme caractérisé en parlant d'immigration sélective, d'intégration, et tutti quanti.

Les propos de monsieur le ministre de l'Intérieur m'avaient fait réagir en soulignant qu'après les médecins, ce serait les avocats, les ingénieurs, les retraités béninois qui seraient plus nombreux en France qu'au Bénin natal ; monsieur Sarkozy aurait-il omis que ces médecins-là sont français ?

Il est vrai qu'ils sont avant tout des Nègres ; monsieur le vicomte de Villiers lui a vite emboîté le pas. Birds of a feather flock together ; je préfère le dicton anglais au français « qui se ressemble s'assemble » : physiquement, physiologiquement, monsieur Sarkozy et monsieur le vicomte de Villiers sont les deux faces d'une médaille ; mais sur le plan politique, leur feather, leur plumage, c'est de plus en plus blanc bonnet et bonnet blanc ; alors ils se copient, expriment les mêmes idées dans leurs caresses aux électeurs de droite et de l'extrême droite, recourent au même vocable en parlant des pays africains, notamment du Bénin.

A Télé Matin (France 2) monsieur le vicomte a fait état de l'aide que lui-même ou la Vendée apporte au Bénin où il fut heureux d'être accueilli par de petits Béninois agitant le drapeau français. Je ne fais jamais ostentation de mes dons ; en parler à la télévision est vaniteux. Qui, au Bénin, avait demandé quoi à monsieur de Villiers ? Voilà qui me révolte et j'exhorte mon pays à cesser d'accepter des dons permettant de l'humilier.

Le candidat Yayi Boni faisait sa campagne électorale en ressassant le mot Changement ; j'ai appelé le peuple à voter massivement pour Yayi Boni ; l'ex-candidat élu président de la République du Bénin devrait...doit prouver qu'il y a un début de changement, en n'invitant pas le peuple à se mettre en liesse pour accueillir celui qui avait montré du doigt, comme s'ils étaient des pouilleux, des galeux, des mafieux, les médecins béninois dont les grands-pères, pères ou oncles avaient, au nom de la France alors Mère Patrie, fait des guerres qui n'étaient pas celles des Nègres ; ceux qui y ont été zigouillés l'ont été à la merci de cette Mère Patrie ; les rescapés, diminués, éclopés, perçoivent de honteuses retraites discriminatoires.

Il faut le dire aussi : si, non seulement l'œil en coin, mais aussi en pérorant, un ministre de l'Intérieur français attire l'attention du peuple français sur des Africains, citoyens français parfaitement en règle avec la législation de l'ex-Mère Patrie, il serait temps que, légitiment, les chefs d'Etat africains se préoccupent des sans-papiers Gaulois qui sont légion en Afrique : huit ans d'enquêtes sociologiques sur le terrain objectif m'avaient permis d'appréhender ce problème sommairement décrit dans un roman (C'était à Tigony, édits Présence Africaine) dont quarante-cinq exemplaires envoyés (service de presse) à des journaux de l'Hexagone l'ont été en pure perte ; je le savais mais il faut l'expliciter : il y a des problèmes africains auxquels ne devraient pas toucher les écrivains africains qui ne caressent pas dans le sens du poil, n'exécutent pas des ronds de jambe et abhorrent la servilité.

Benoît Illassa a vu juste en écrivant, à propos de ma riposte contre la déclaration de monsieur Sarkozy : « Seul le doyen Olympe B. QUENUM avait alors pris sa plus belle plume pour écrire aux journaux français. Depuis, il a été censuré par les médias français. »

Je remercie mon compatriote de rappeler l'attitude des médias français à ce sujet ; mais mieux qu'une censure, l'ostracisme remonte à la publication de C'était à Tigony ; voici ce que j'écrivis au Rédacteur littéraire d'un quotidien parisien que je lisais depuis sa création, dont j'étais un abonné et que je ne lis plus :

« Garrigues-Sainte-Eulalie, 28 octobre 01.

« [...] Pour ne pas aller trop loin dans les témoignages de gentillesse, je citerais une personnalité du Haut lieu qui préfère garder l'anonymat : « ...votre Dorcas est magnifique ; splendide, Myriam l'Ethiopienne qui déclame en hébreu le Cantique des Cantiques et la Haggadah ; vous donnez, cher Ami, l'impression d'avoir connu vos personnages ainsi que le terrain sur lequel vous les faites agir ; j'ai beaucoup apprécié la pertinence de l' observation d'Aristote et l'esprit d'à-propos de ce journaliste irlandais ; bref, votre roman, très charpenté, est beau, fort bien écrit et, vous connaissant un peu, j'ose dire que son efficacité tient de votre personnalité...A cause du cynisme avec lequel vous avez peint ce Gaëtan chargé de tout (j'en doute d'ailleurs car il en reste certainement dans vos fichiers) ce que vous avez pu constater -vous êtes fondamentalement un homme des constats- ou pu endurer dans la fonction publique internationale, je serais étonné que la presse française fasse bon accueil à C'était à Tigony. Géographiquement, où se trouve cette ville ? »

« Eh bien, pas une ligne d'écho dans les 45 journaux, magazines et chaînes de TV auxquels des exemplaires de service de presse ont été adressés. Conspiration du silence ? Je ne crois pas ; indifférence ? Peut-être, mais je suis mithridatisé ; à la mort de Mongo Béti, LIBE m'a envoyé, comme à bien d'autres, un e mail pour connaître mon témoignage à son sujet ; RFI m'avait appelé peu après l'annonce de son décès et j'avais dit mon estime et mon chagrin. Quand viendra mon tour, il serait préférable que perdure le silence. »

* Voilà ce qui se passe quand, ancien professeur de lettres, écrivain ayant travaillé pendant des années autant à l'ancrage qu'à l'expansion de la langue française en Afrique - notamment anglophone- on a la fierté et l'orgueil de n'être ni cloporte, ni ver de terre.

Je suis convaincu que dans l'Hexagone où je vis avant la naissance de monsieur Sarkozy et de monsieur le vicomte de Villiers, le moment viendra, assez vite, où les birds of a feather en arriveront à demander ce que font en France les vieux Nègres de mon espèce, qu'ils soient médecins, banquiers, avocats, industriels, retraités ou éboueurs.

Je ne veux pas m'insurger contre le jeune gouvernement de mon pays, après m'être battu pendant les deux dernières magistratures Kérékou, pour qu'il y ait un changement en profondeur ; mais je dis et l'écris : j'invite le peuple à la désobéissance civique si le gouvernement lui demande de se revêtir de ses beaux atours ou de danser pour accueillir monsieur Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur.

Olympe BHÊLY-QUENUM

Sarkozy en Afrique : les Africains interpellés

lundi 22 mai 2006.
 
Sarkozy et Boni Yahi
Sarkozy et Boni Yahi
Le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy se souviendra certainement pendant longtemps, de sa visite, la semaine dernière, au Mali et au Bénin où il s’est rendu pour expliquer la nouvelle politique française sur l’immigration.

Dans ces deux pays dont le choix n’est pas innocent, Sarkozy qui s’est fait taxé, entre autres, « de raciste, de xénophobe, d’ingrat « par des populations en colère, a pris la mesure exacte de l’hostilité des Africains à sa politique qui vient réglementer de manière encore plus draconienne, l’entrée et le séjour des étrangers en France ainsi que le droit d’asile.

A Bamako comme à Cotonou, le ministre français de l’Intérieur a répété à ses interlocuteurs et à qui veut l’entendre que son pays ne veut plus subir les « irrégularités » et le « laxisme » dans la gestion des flux migratoires. Ces mesures, on le sait bien, répondent avant tout à des préoccupations de politique intérieure.

Il en a été toujours ainsi dans cette France où l’approche des campagnes électorales comme la présidentielle de l’année prochaine, donne lieu à toutes sortes de calculs politiques. C’est de bonne guerre, dit-on, surtout pour Sarkozy, d’origine hongroise, qui n’a jamais fait mystère de ses ambitions présidentielles et dont la loi sur l’immigration vise avant tout, à courtiser l’électorat « nationaliste » de ce vieux « baroudeur » politique qu’est Jean Marie Le Pen. Un homme qui, à la présidentielle 2002, a « surpris » en arrivant en deuxième position et qu’il ne faut donc plus sous-estimer.

Faut-il pour autant que les Français en arrivent à ces mesures extrêmes dont les principales victimes sont les Africains et plus particulièrement, les Négro-africains dont les parents ont donné leur vie pour libérer la France ? Faut-il rappeler que la présence de nombre de ces Africains a été, à une certaine époque, voulue par une France à la recherche d’une main d’œuvre ? Faut-il ajouter que la plupart de ces immigrés sont en quête de meilleures conditions de vie que leurs pays d’origine ne leur donnent pas toujours ? Faut-il dire que la France, aujourd’hui en perte de vitesse, appartient aussi aux Africains qui se sont sacrifiés pour elle dans nombre de domaines ?

Chaque pays a le droit de gérer comme il l’entend, l’accueil des étrangers. Ce qui est condamnable, ce sont les calculs politiciens et mesquins qui se cachent derrière ces politiques. Les médias nous montrent, chaque jour, ces images insupportables d’Africains qui trouvent la mort sur la route de « l’eldorado » occidental. Grâce toujours aux médias, nous sommes quotidiennement témoins des conditions inhumaines, des actes racistes que vivent les immigrés en Europe. A qui la faute ?

Sarkozy a déclaré lors de sa visite à Bamako que nous sommes en partie responsables de ce qui nous arrive et qu’il faut rompre avec la politique parternaliste. Quoi de plus vrai ! Les protestations entendues à Bamako et à Cotonou sur la politique de la France sont compréhensibles. Mais elles ne doivent pas traduire le refus de prendre nos responsabilités, de nous assumer.

Les discours sur le néo-colonialisme, les interventions françaises ou étrangères en Afrique ont, de moins en moins d’emprise parce que l’esprit de responsabilité n’est pas toujours la chose la mieux partagée dans nos Etats dont bon nombre souffrent manifestement de mauvaise gouvernance, de l’incurie de leurs dirigeants. Ils sont nombreux les pays africains, gâtés par la nature et regorgeant de richesses fabuleuses, qui végètent dans la misère.

Dit autrement, les Africains peuvent bien créer les meilleures conditions de vie possibles pour leurs populations au lieu de se voir fermer les portes de l’Occident par des lois sur l’immigration. Ils pouvaient mettre, eux aussi sur pied, leurs lois sur l’immigration à partir desquelles ils filtreraient l’arrivée de certains étrangers qui contribuent à la perverssion de nos mœurs par leurs comportements. Il n’est pas question ici de donner des leçons à la France.

Les Africains devraient aussi balayer devant leurs portes. Le président Abdoulaye Wade du Sénégél n’a pas du tout tort quant il affirmait qu’un Africain est mieux traité en Europe qu’un Burkinabè en Côte d’Ivoire. Avec sa loi, Sarkozy nous a rappelé nos responsabilités. En France comme dans bon nombre de pays européens, une nouvelle génération de dirigeants sourds à nos jérémiades, à nos discours défaitistes, monte. Il faut en tenir compte. Il faut que les Africains se décomplexent.

Bessia BABOUE

Source lefaso.net




22/05/2006
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