L\'Echo du Bénin

L\'Echo du Bénin

Quand la dette écrase l`élan du coton béninois

Quand la dette écrase l`élan du coton béninois

Cotonou, Bénin, 20/09 - Avec une production record de 428.000 tonnes pour une prévision de 350.000, la filière cotonnière béninoise ploie sous le joug d`une énorme dette qui, si rien n`est fait dans l`immédiat, risque de la précipiter dans le gouffre.

Bien qu`ayant suscité tous les espoirs, la campagne 2004-2005 laisse un goût amer aux cotonculteurs qui continuent de réclamer à l`Etat 9 milliards 200 millions de F CFA au titre des subventions du réajustement du prix au kg.

Alors qu`ils devraient se consacrer à la prochaine campagne, les producteurs, réunis au sein de la Fédération des unions de producteurs du Bénin (FUPRO-Bénin), de la Fédération nationale des producteurs agricoles (FENAPRA) et de la Fédération nationale des agriculteurs et organisations de producteurs (FENAGROP), en sont encore à multiplier négociations, marches de protestation, sit-in, et conférences de presse pour entrer en possession de leurs fonds.

Ces producteurs, qui maîtrisent plus de 90% de la production nationale, se disent las d`attendre en vain leur dû et tirent la sonnette d`alarme.

Devant la situation d`extrême pauvreté dans laquelle les plonge le non-paiement de leurs revenus, certains producteurs ont carrément abandonné le coton et se consacrent à d`autres cultures qui, bien que moins rentables, devrait leur permettre au moins de nourrir les leurs.

Pour Bio Sagui, producteur venu de Banikoara, "il n`est plus question de se fier aux autorités qui vous promettent tout pour vous amener à produire et une fois leur objectif atteint ne sont plus là pour vous aider à panser les plaies".

"Que deviendrai-je si rien n`est fait d`ici la semaine prochaine?" se lamente-t-il, indiquant que dans l`attente de son dû, il a tout bradé: vivres, volaille, et sera obligé de se voir déposséder de ses attelages par l`usurier qui ne veut plus entendre parler de délai.

Outre les producteurs, dont le nombre est estimé à environ 325.000 par le ministère en charge de l`Agriculture, de l`Elevage et de la Pêche, leurs proches souffrent, eux aussi, les affres du non-paiement de la subvention de l`Etat.

Idrissou Abiba, étudiante à l`université d`Abomey-Calavi, lie son échec à la première session par l`endettement de son père, un grand producteur de coton qui n`pas pu lui envoyer de l`argent au cours des deux derniers trimestres.

"Toute seule à Cotonou, j`ai dû accepter une enquête à deux mois des examens pour pouvoir payer le loyer au village universitaire et acheter les tickets de bus et de restauration. Rentrée seulement deux semaines à l`avance, j`ai juste eu le temps de parcourir les derniers chapitres et voilà, je me retrouve à la deuxième session", dit-elle.

Bien que décidée à tout sacrifier pour obtenir sa licence, Abiba est obligée d`étudier seulement dans la matinée. Les soirées, elle les passe comme standardiste dans une entreprise de la place pour un salaire mensuel de 15.000 F CFA, (moins du SMIG qui, depuis quelques années, est passé à 27.500 F CFA).

Dans les zones de forte production cotonnière, tout est au ralenti, même la réalisation de certaines infrastructures sociales qui bénéficient de la caution des unions de producteurs.

En désespoir de cause, les cotonculteurs béninois menacent, pour la prochaine campagne qui risque de connaître une baisse de surfaces emblavées et de production, de vendre le coton en dehors du cadre institutionnel ou à l`étranger.

De 330.000 tonnes durant la campagne écoulée, la production cotonnière du Bénin a atteint un record de 428.000 tonnes cette année, avec un peu plus de 80 milliards de F CFA à verser à plus de 325.000 exploitants.

Au cours de cette campagne, placée sous le signe de la réorganisation des structures de la filière, le gouvernement béninois a maintenu le prix du coton-graine à 190 F CFA avec une substantielle subvention de 43 F CFA le kg.

Le prix d`achat au producteur est fixé à 200 F CFA, dont 10 F CFA/kg au titre des ponctions critiques et le deuxième choix à 150 F CFA.

Les exportations de ce produit qui constitue la principale culture de rente du Bénin participent pour 80% à la constitution des recettes d`exportations formelles. La filière représente 45% des rentrées fiscales (hors douane) et contribue en terme de valeur ajoutée pour 14% à la formation du PIB.

En outre, le coton représente environ 60% du tissu industriel du Bénin à travers 18 usines d`égrenage, cinq unités de textile, trois usines de trituration de graines de coton et une usine de fabrication de coton hydrophile.

Les activités d`égrenage au cours d`une campagne d`environ six mois génèrent plus de 3.500 emplois au plan national sur la période. Le revenu du coton crée par ailleurs des emplois à travers ses effets multiplicateurs dans le transport, l`artisanat, le commerce et la construction.

En milieu rural, de nombreuses infrastructures sociocommunautaires (centres de santé, écoles, routes, puits, Maisons des jeunes et des loisirs) ont été réalisées grâce aux revenus du coton, qui a servi de tremplin au dynamisme du secteur privé et à l`émergence d`organisations paysannes en cours de professionnalisation.

Dans le sous-secteur cotonnier béninois, le désengagement de l`Etat s`est opéré progressivement au profit des organisations de producteurs par le transfert de compétences en matière de commercialisation primaire du coton, puis au profit du secteur privé, par la distribution des intrants et l`égrenage du coton- graine.

Plusieurs années après ce désengagement, la filière est confrontée à des difficultés, notamment la mésentente entre les égreneurs sur la répartition du coton-graine du fait d`une forte surcapacité d`égrenage (585.000 tonnes de capacité pour une production tournant autour de 350.000 tonnes), le non-respect, par certains acteurs, des règles de fonctionnement adoptées par l`interprofession.

Les aléas climatiques (non-maîtrise de la pluviométrie), les contestations régulières des résultats des appels d`offres pour la sélection des distributeurs d`intrants, la mauvaise gestion de certaines organisations paysannes entraînant la remise en cause de la caution solidaire sont autant de facteurs endogènes ne permettant plus au Bénin, pourtant bien arrosé, d`atteindre la production des pays sahéliens tels que le Burkina Faso ou le Mali qui en est déjà à 600.000 tonnes.

Source Angola Press



21/09/2005
1 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 11 autres membres